Un château posé sur l’eau

Propriétaires de Saint-Benoist depuis trois ans, Dominique et Jean-Louis Popihn ont engagé des travaux considérables sur l’hydraulique du domaine. Visite et explications.

Imaginez un château protégé par plus de 2 kilomètres de douves en eau, déployés en deux réseaux concentriques ; imaginez encore sept ponts pour assurer la circulation sur le domaine, cinq vannages pour maîtriser les eaux de la Vanne et enfin, un grand moulin à aube…

Campé dans la vallée de la Vanne, le château de Saint-Benoist est sans aucun doute la demeure auboise la plus radicalement marquée par l’eau.

C’est à la restauration et à l’entretien de cet étonnant et complexe système hydraulique que Dominique et Jean-Louis Popihn se sont attaqués trois ans après leur arrivée dans l’Aube.

UNE FAMILLE OTHÉENNE

La famille Popihn est originaire de Vaumorin, près de Cerisier, dans l’Yonne.

Depuis cinq ans, Arnaud, leur fils, fait rayonner le nom de la famille à travers une brasserie qui produit parmi les meilleures bières de France.

À la tête d’une entreprise en région parisienne, Dominique et Jean-Louis souhaitaient se rapprocher de leurs trois enfants et de leurs deux petits-enfants, restés dans l’Yonne.

Le rachat du château de Saint-Benoist-sur-Vanne a donc été comme une évidence. Un geste mûrement pesé puisque le couple a conduit, pendant 20 ans, la restauration d’un grand château XVIIe situé en Maine-et-Loire. Clin d’œil de l’histoire, il a été bâti par un des fils de Jean-Baptiste Colbert, relève Dominique.

Avec Saint-Benoist, Dominique et Jean-Louis ont acquis un château déjà patiemment et soigneusement restauré dans les années 90 par son précédent propriétaire, Jean Bertrand. S’il a restitué en craie l’encadrement de la porte charretière et la fenêtre du pavillon d’entrée, il leur a aussi légué un parc aux daims fort de quelque 80 têtes. « Une des passions de M. Bertrand ».

Dominique Popihn a profité et remanié un autre centre d’intérêt du précédent propriétaire, en remplaçant la grande volière vide par un potager de quatre carrés réguliers, cantonnés de deux grands vases medicis.

À Maulévrier, son potager primé « Plus beau de France 2021 »

Si elle est « passionnée de patrimoine », Dominique Pophin l’est aussi de jardin potager. Et avec un succès certain !

À Maulévrier, son potager de 8 000 m2 a été primé par la Société nationale d’horticulture de France (SNHF) « Plus beau potager de France 2021 ». Il avait déjà reçu le Grand Prix 2016 de la SNHF et en 2018, le label « Jardin Remarquable » décerné par le Ministère de la culture.

Chez les Popihn on ne fait pas les choses à moitié…

UN GRAND MOULIN À RENAÎTRE

Dans le château superbement restauré, Dominique n’a eu qu’à mettre en musique la décoration et poser ses meubles. Les confinements de la crise du Covid passés à Saint-Benoist lui ont permis « d’apprivoiser les lieux ».

Il lui est vite apparu que le grand moulin sur le domaine nécessitait une restauration urgente, pour assurer sa pérennité. Le chantier a été lancé il y a 18 mois, avec le double objectif de créer six chambres d’hôtes dans l’ancienne minoterie et une unité de production hydroélectrique mue par sa roue à aube. Pour assurer la production électrique du domaine, explique Mme Popihn.

Le gros œuvre du moulin a été réalisé avec le concours d’entreprises icaunaises et auboises. Luxembourg pour la charpente et la couverture, Léon-Noël pour la maçonnerie et les enduits. À mi-parcours, le chantier montre un grand respect des techniques de construction locales et des éléments anciens encore en place. La structure technique du moulin, par exemple, a été laissée, même si les quatre meules de pierre ont disparu…

MAISON DE F AMILLE

 En février, une violente tempête a abattu une centaine de grands arbres. L’un a endommagé le pigeonnier, d’autres les berges des douves. Ce fut le signal d’autre grand chantier à conduire après l’évacuation des chablis. La restauration des cinq vannages qui assurent la stabilité du niveau de l’eau est réalisée. La reprise des berges des douves est en cours.

Alors que le couple est toujours en activité dans son entreprise de la région parisienne, il est aussi occupé largement par Saint-Benoist – et pas simplement le weekend ! Le château ne se visite pas. Parce que c’est une maison de famille d’abord. Ensuite parce que ce serait ajouter une activité supplémentaire à un couple qui n’en manque pas.

Mais que les Aubois se rassurent, la demeure locale est en de très bonnes mains.

Par Jean-Michel VAN HOUTTE, journaliste à L’Est-Éclair
L’Est-Éclair – Rendez-vous d’été – La vie de château – 23/07/2023