La vie de château
Villacerf, le fantôme d’un grand château disparu
La superposition d’une vue aérienne et d’un plan du XVIIe siècle montre toute l’ampleur du parc et du château de Saint-Sépulchre puis de Villacerf. @Marc THONON @Google Earth
MÉMOIRE. Grand pourvoyeur d’objets à l’exposition « Châteaux », Villacerf a totalement disparu à la Révolution. Presque, puisque les habitants qui vivent sur son emprise vivent avec le château disparu.
Le lieudit « Le Bois blanc », entre le Melda et la « Rivière Neuve », révèle une nature riche et sauvage.
Marc Thonon arpente depuis plus de quinze ans ces quatre hectares de frondaisons exubérantes et humides dont il prend grand soin. Sa maison, élevée au milieu du XVIIIe siècle, est l’ultime vestige d’un grand moulin exploité aux XIXe et XXe siècles par les familles Simon, Remond, Bradie, etc. Inexplicablement, il a été démantelé au début du XXe siècle. Ne subsiste qu’une grande roue à aube aujourd’hui à l’air libre…
Derrière les aménagements minotiers, une autre réalité perce pourtant. Celle d’un grand château disparu et de l’immense parc qui le ceignait aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Comme ses voisins proches, Marc est installé sur un site qui livre volontiers des bribes de son histoire et le passionne. Ce sont ces vieux buis qui jaillissent dans le sous-bois. Les fragments de pierre sculptée sortis du Melda ou de terre : notamment l’enroulement d’un chapiteau dorique d’un beau ciseau. Ou cette photographie aérienne ancienne qui, à la faveur d’une sécheresse, montre nettement le dessin d’un rondpoint en étoile au lieudit « Le Parc ».
DEUX CHÂTEAUX SUCCESSIFS
Le premier château d’importance est celui édifié par Louis Hesselin vers 1650. Conçu par l’architecte Louis Le Vau, Saint-Sépulchre – le nom du village, alors -, n’est rien moins que le premier jet de ce que sera Vaux-le-Vicomte !
Le « surintendant des plaisirs de sa majesté » est homme de goût. Hesselin meurt prématurément et le château et la terre échoient en 1677 à Édouard Colbert de Villacerf, apparenté aux grands ministres de Louis XIV, Colbert, Louvois et Le Tellier. Lui-même est « surintendant des bâtiments » de Louis XIV.
Il charge l’architecte Pierre Cottard de mettre au goût du jour un château qui n’a pas deux décennies. Un étage est élevé et des ailes en retour sur la cour d’honneur donnent une nouvelle ampleur à la demeure. De par ses fonctions, Colbert de Villacerf se doit de promouvoir les artistes et les architectes les plus novateurs de son temps.
LE FASTE D’ÉDOUARD COLBERT
Au travers les collections du musée des BeauxArts et de la cathédrale de Troyes, l’exposition du conseil départemental montre le degré d’exigence de Colbert de Villacerf.
Buste de Louis XIV et Marie-Thérèse par le sculpteur troyen François Girardon. Somptueuse chapelle (objets liturgiques nécessaires à la célébration de la messe) d’orfèvrerie XVIIe. Allégories des saisons et sphinges (sphinx au féminin) de marbre blanc, anonymes mais de grands maîtres, incontestablement. Ils ornaient les bosquets du parc…
La belle surprise de l’exposition est cette peinture inédite du buffet d’eau installé sur le canal. Marc Thonon en a retrouvé la situation exacte, sur la Rivière Neuve… au bout de son jardin !
Par Jean-Michel VAN HOUTTE, journaliste à L’Est-Éclair
L’Est-Éclair – Rendez-vous d’été – La vie de château – 18/07/2023
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