Brienne, un géant de pierre à flanc de colline

Construit à la fin du XVIIIe siècle par les Loménie de Brienne, le château est une demeure princière. Un géant de pierre mis en scène sans jamais révéler son extrême raffinement.

Pour Philippe Seydoux, grand spécialiste des châteaux, les trois plus belles demeures du XVIIIe siècle en Champagne se trouvent dans l’Aube. Vaux (époque Régence), La Motte Tilly (époque Louis XV) et Brienne-le-Château, construit juste avant la Révolution.

La demeure des Loménie de Brienne est de surcroît un château hors-norme par sa mise en scène, ses dimensions, ses aménagements somptuaires. Un château princier !

Les bâtiments que découvre le visiteur, d’où qu’il vienne, ne représentent qu’une fraction de ce qu’ils sont réellement. Tel un iceberg, moitié est immergée.

LES SCIENCES ET L’ÉRUDITION

Lui échappe notamment la salle de spectacle construite pour 200 spectateurs, sous le pavillon de gauche – séjour d’hiver du cardinal de Loménie de Brienne – et directement accessible depuis la chambre de l’ecclésiastique par un escalier. Managée dans un talus abrupt, elle ouvrait à volonté sur le paysage…

La « cour anglaise » est réalisée côté cour pour donner de la lumière naturelle aux pièces du rez-de-chaussée, destinées aux domestiques. Ces grandes cuisines, construites et ouvertes sur une terrasse basse au nord ou l’orangerie, aménagée en pendant terrasse sud.

Lancé en 1770 par un gigantesque terrassement pour réaliser la rampe d’accès, et la plateforme sommitale, le château est inauguré en 1778 bien que les aménagements extérieurs ne soient pas totalement achevés.

Archevêque de Toulouse puis de Sens, principal ministre de Louis XVI de 1787 à 1788, M. de Brienne prise les livres, les sciences et les curiosités.

LE FASTE DES PRINCES DE BAUFFREMONT

Le château fait la part belle à une galerie bibliothèque élevée sur trois niveaux, un cabinet de physique dans lequel officie un scientifique, un cabinet de curiosités.

Ce seront douze années de fêtes brillantes avant que la Révolution n’éteigne les derniers fastes de l’Ancien Régime. La maison compte alors encore une quarantaine de domestiques !

Même s’il est adulé des Toulousains, le cardinal est arrêté et jeté en prison à Sens, où il meurt. Son frère et les trois neveux qu’il a adoptés sont guillotinés.

La Campagne de France aurait pu anéantir le château, en position dominante stratégique. L’Empereur et Blücher se le disputent.

De 1851 à 1931, Brienne vit une nouvelle période de faste sous les princes de Bauffremont-Courtenay. En témoigne la très riche série de cartes postales conservée aux Archives départementales de l’Aube.

À la Libération, Brienne aurait encore pu disparaître dans l’indifférence. Dans les années cinquante, la clairvoyance du préfet Pierre-Marcel Wiltzer l’affecte à la santé mentale ce qui permet de préserver au mieux son agencement, partie de décors, tracé de ses jardins…

Toute sa grandeur en somme.

L’ATTACHEMENT DE L’EMPEREUR

Avec la route de Saint-Dizier, la longue rampe qui conduit vers la cour d’honneur, le château, puis la terrasse des tilleuls, enfin l’allée forestière qui fuit en direction d’Épagne, le château possède l’une des plus belles perspectives de l’Aube. La construction de Brienne vient de s’ achever quand le jeune Bonaparte entre à l’ école militaire royale. Il s’y arrête en 1805, dans le voyage qui le conduit à Milan pour son couronnement. Il tente d’acheter le château mais Mme de Brienne n’y consent pas. Il y reviendra en 1814 dans les circonstances que l’on sait.

Par Jean-Michel VAN HOUTTE, journaliste à L’Est-Éclair
L’Est-Éclair – Rendez-vous d’été – La vie de château 4/7 – 01/08/2023